Vous publiez un petit ouvrage sur votre vécu de Mai68 bien après la lame de fond des ouvrages publiés ces quatre premiers mois de l’année. Vous ne risquez pas de
faire fortune !
Pendant cinquante ans, je me refusais de me comporter comme un ancien combattant de Mai68. J’appartenais à la tendance réformiste du SNESup qui avait contribué à faire élire Alain Geismar
secrétaire général du SNESup en Mars 1967 contre les contre l’alliance des mandarins et des conservateurs.
Vous confirmez que vous étiez un réformiste, et dans votre ouvrage vous parlez de réformisme de rupture, pourquoi n’avez vous osé parler de réformisme
révolutionnaire. Votre collègue, Alain Geismar s’est comporté en révolutionnaire, en appellant même à la lutte armée, ce qui lui valut dix huit mois de prison ?
Vous soulevez deux problèmes , le premier est très simple Alain Geismar a démissionné le 27 Mai de son poste de secrétaire général du SNESup pour assumer son engagement politique de renverser
par une révolution ouvrière le gouvernement. Unedéclaration malheureuse permit à une justice aux ordres de le faire condamner à dix-huit mois de prison pour l’exemple.
Revenons à ce réformisme de rupture, pouvez-vous donner des exemples concrets de réalisations ou de changements ? N’est-ce pas tout simplement un alibi idéologique
pour justifier que vous avez suivi le mouvement ?
Commençons par des exemples concrets, avant, les conseils de facultés ne comportaient que des professeurs. Après le vote de la loi Edgar Faure les facultés étaient devenues des universités
théoriquement autonomes, les étiudiants et les étudiantes étaient représenté.e.s dans les conseils d’administration comme tous les personnels. Les Universités votaient leur budget et pouvaient
théoriquement choisir leurs projets.
Vous dites théoriquement autonomes ?
À DE RARES EXCEPTIONS le mécénat des entreprises pour les universités était à cette époque dérisoire. On n’est pas autonome quand on dépend exclusivement du pouvoir politique.
En dehors de vous être fait plaisir en écrivant ce livre, quelles sont les raisons actuelles de lire votre ouvrage?
Paradoxalement, je considère que les acquis de Mai68 ce sont les problèmes posés en Mai68 qui ne sont pas résolus ou qui se sont aggravés.
Lesquels ?
Par exemple la sélection à l’entrée de l’université, Parcoursup a divisé les candidat.e.s en deux blocs ,ceux et celles qui étaient sélectionné.e.s avant de passer le baccalauréat et les
autres…
Mais le plus grave pour moi c’est le risque auquel nous avons été exposé, celui de l’intervention de l’armée ,quand un gouvernementdémocratiquement élu est contesté par une révolte du
peuple.
Croyez-vous vraiment qu’en Mai 1968 , on risquait un massacre comme à Mexico sur la place des trois cultures, à la veille des jeux olympiques ?
Comme je l’ai écrit , la question est posée, aucune preuve, mais c’est comme le financement libyen, une dizaine d’éléments convergent comme ce colonel disant à ses soldats du contingent: n’ayez
crainte, je ne vous ferai pas monter sur Paris…
Ne croyez-vous pas que vous fantasmez ?
La montée de l’autoritarisme , la verticalisation, le squeeze des pouvoirs intermédiaires, la montée des inégalités, le nouvel avatar du libéralisme, que vous désignez, vous les journalistes
sous le vocable d’illibéralisme, me font penser que le risque est plus que jamais présent.
Voilà donc la vraie raison de votre livre, les auditeurs comprendront mieux ce qu’est le réformisme de rupture, c’est de prendre en compte les points faibles de
notre démocratie.